Le lac du cygne
Un soleil jaune et rasant qui transperce le bleu du ciel. Une forêt brunâtre et effeuillée. Un petit lac gris de glace. Un cygne blanc.
Et le temps suspend son vol. Il avance avec la lenteur incertaine du cygne dont les larges palmes grises hésitent sur cette banquise improbable. Titubant, glissant, l’oiseau cherche un équilibre douteux de son long cou qui ondule. Le regard tendu vers la rive, il a l’air gêné que tu le regardes.
Il ne sait pas qu’il t’offre un moment d’éternité.
Sur la plage, tu l’attends, le sourire au lèvres.
Fier et digne, il marche, glisse, tombe, se relève. Près de la rive, la glace cède, il se retrouve dans son élément, tout à coup majestueux. Le cou dressé il avance, sort de l’eau, et s’ébroue. Il étire ses ailes pour dessiner sur le sable l’ombre d’un aigle gigantesque, presque jusqu’à tes pieds.
Vous vous regardez. Il se pose sur le sol.
Tu lui dis merci.
Et tu t’en vas. Tu remontes dans ta voiture, ébloui par le soleil hivernal.
Tu démarres.
« Le virus de la grippe aviaire a été retrouvé sur un cygne mort » t’avertit la radio. Troublante coïncidence.
Tu te retournes vers la tache blanche que tu devines encore à travers les broussailles : « Merci, … et bonne chance ».
« Coup d’œil » glacial, par Arpenteur, juge de patinage artistique depuis 1971
(c)photo arpenteur2006