Chasse et pèche

Publié le par Arpenteur

En fond sonore, les Chariots de feu de Vangelis. Dans la lueur orangée d’un soleil couchant, court une girafe, qui se transforme en éléphant, et ainsi de suite, jusqu’à un chaton trop mignon, en passant par le dromadaire, le tigre, la jolie petite biche, le poney chatoyant et l’ornithorynque fougueux, entre autres. Fondu enchaîné, sur lequel apparaît le titre « ils ont quatre pattes, mais ont-ils une âme ? », une émission des télévisions publiques francophones garantie sans pub pour de la viande.

Ce n’est qu’au début du printemps, que nous avons la chance de pouvoir observer ce phénomène rare. Afin d’en percer les mystères, nous avons envoyé une équipe de tournage sur un de leurs lieux de rassemblement, accompagnée de spécialistes renommés. C’est après des nuits et des nuits de planque et de patience, que nous les avons vu apparaître.

Par petits groupes, ils arrivent, dans un silence à peine troublé par le souffle délicat d’un filet d’air frais. Ils s’installent dans un espace dégagé, bien serrés les uns contre les autres. Généralement ils ne sont pas très éloignés de l’endroit où l’on trouve le plus de fruits dans la région, et restent de préférence à l’abri du soleil.

Charles-Brandon Wang, professeur à la faculté de socio-zoologie de Wangen an der Aare et ceinture verte de judo :

« Le mystère de ces rassemblements n’a encore jamais été percé. Lorsqu’on les observe chez d’autres espèces, comme les gnous par exemple, leur signification est logique : grandes migrations vers des territoires où la nourriture est plus abondante, fuite devant une prolifération exceptionnelle de prédateurs, reproduction, etc. Pour l’espèce qui nous occupe aujourd’hui, ces rassemblement semblent liés à une certaine forme de reproduction. Ils se regroupent autour de leurs œufs, sans doute pour les protéger. Soit-dit en passant, la raison pour laquelle ces mammifères ont des œufs n’est pas encore éclaircie. Encore une de ces merveilleuses énigmes de la nature qui n’aura jamais fini de nous révéler ses innombrables secrets. Toutefois, ces regroupements, qui augmentent à mesure que le printemps avance, ne sont pas si protecteurs qu’ils paraissent, et au contraire rendent ces animaux particulièrement vulnérables à leurs prédateurs. »

Comme pour la plupart des espèces, le prédateur principal, c’est l’homme, qui dans ce cas particulier chasse bien plus pour la peau que pour la chair, trop peu consistante à son goût, et même carrément volatile.

En restant quelques semaines sur les lieux, nos équipes ont pu observer les techniques de chasse, tout comme la stratégie de défense des proies, dont on ne peut que regretter l’inefficacité. L’homme diffuse une aveuglante lumière artificielle tout autour du groupe, provocant ainsi une étonnante immobilité qui facilite bien évidemment la chasse. De plus, le fin voile translucide que projette chaque individu tout autour de lui le protège certes des attaques de certains petits insectes, mais ne peut rien contre des prédateurs de plus grande taille.

Devant un tel nombre de proies rassemblées, et résignées à rester jusqu’au bout près de leurs œufs plutôt que de fuir, les prédateurs n’ont que l’embarras du choix. Chacun d’entre eux tourne alors plusieurs fois autour du groupe, avant de fondre sur sa ou ses victimes. Désorientées, celles-ci sont rapidement enfermée dans une cage à roulette, et séparées du groupe, emmenée vers un funeste destin. Le chasseur en profite d’ailleurs souvent pour faire également main basse sur quelques œufs.

De retour sur son territoire, le prédateur fait preuve de ce qui pourrait passer pour un certain sadisme envers sa pauvre proie, indifférent à son regard implorant : il la relâche dans la nature. Surpris, désemparé, isolé, le pauvre animal qui a l’habitude de vivre en groupe met du temps à reprendre ses esprits, à profiter de la chance qui lui est offerte. Mais tout ceci n’est qu’un jeu éducatif. Comme chaque espèce, mue par les lois cruelles de la nature éternelle, le prédateur apprend ainsi à ses petits les techniques de chasse, gage de la survie. Il les laisse partir à la recherche de la proie, et c’est avec une fierté légitime qu’il se réjouit des cris de joie de sa progéniture lorsque la chasse est fructueuse.

Il aide alors ses petits à ramener le gibier capturé dans la tanière, et tous ensemble, ils procèdent à la mise à mort. Malgré la dureté de ces images, il nous semblait important de vous montrer le rituel.

Le gibier est allongé sur une table, et le chef de famille, ou le petit le plus méritant parfois, lui fracasse le crâne d’un coup de poing, sous les applaudissement des autres, qui très vite se disputent les meilleurs morceaux : « moi je veux les oreilles », « non, c’est moi, c’est moi qui l’ai trouvé celui-là », « j’aime pas le chocolat blanc », sous le regard attendri des parents, qui d’un tendre coup de patte leur ébouriffent le pelage « alors prends plutôt des œufs si tu préfères, Marie-Gudule ».

« Virgule » animalière, par arpenteur, voix off depuis 1971 
(c)photo arpenteur2007 - Namibie

Publié dans Virgules

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M
Pour Madame Poppins il y a le veau de la Pentecôte ...
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M
Pâques, ça serait bien si ça ne commençait pas déjà en février dans les magasins ! Ben ouais, à peine t'as rangé les guirlandes de Noël qu'on voudrait te faire acheter du chocolat  en grande quantité. Et quand t'en es encore à digérer ledit chocolat, on te bassine avec.... tiens, oui, quoi ? Y a quoi au temple de la consommation après Pâques ? Les crèmes solaires et autres tongs ?
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J
J'ai honte, j'ai triché, après 2 paragraphes j'ai foncé voir à la fin de quoi tu parlais. J'avais moins honte de tricher que de ne pas arriver à deviner.
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A
<br /> paaaaas biieeeeeeen...<br /> <br /> <br />
Y
Excellent! J'étais moi aussi piteuse de ne rien comprendre. ( et les Chariots de feu...wow...ça en jette!!)
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A
<br /> Je me disais aussi que ça en jetterai un peu de Vangelis sur ce blog...<br /> <br /> <br />
A
Heureusement que la fin m'a éclairée. J'ai cru que j'allais devoir partir honteuse de ne pas avoir compris que quoi tu parlais. C'est très bien mené tout ça.
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A
<br /> <br /> C'est toujours à la fin du tunnel qu'on trouve la lumière (proverbe alpin du XXIe siècle)<br /> <br /> <br /> <br />