Sur nos monts quand le soleil...
En ces jours festifs, où les allées des centres commerciaux à l’air conditionné si accueillant, se sont remplies de stands de feux d’artifice, et de drapeaux rouges à croix blanche, voire de jolies guirlandes des drapeaux cantonaux, je me suis demandé pourquoi le drapeau suisse était comme ça, et pas autrement, c’est-à-dire « croix blanche dans un carré rouge ».
La réponse m’a sauté aux yeux tel une sauterelle affolée devant ma tondeuse à gazon. Ce drapeau, compromis helvétique par excellence, est censé représenter toutes les sensibilités du pays pour que chacun s’y reconnaisse, ce qui permet à un paysan catholique du fin fond du val d’Anniviers, d’avoir quelque chose en commun avec un banquier protestant zurichois.
D’abord, le drapeau est carré, ce qui est assez rare de par le monde, tout comme les Suisses. Ben oui, on est pas beaucoup, il faut le reconnaître. Mais pourquoi carré ? Juste pour pouvoir dire « Y en a point comme nous » lors des championnats du monde de drapeaux ? Non. Carré car le Suisse, le suisse allemand en particulier, est carré. Tout doit être « tip top alles in Ordnung », et le carré, avec tous ses angles droits (j’ai pas dit « de droite »), et ses quatre côtés égaux, on ne peut faire mieux. Et quatre côté égaux pour les quatre langues nationales peut-être, même si ça c’est plutôt un hasard…
Et pourquoi qu’il est rouge ce carré ? Pour qu’on le voie bien, et qu’on voit bien que c’est un carré et qu’en Suisse « tout il toit t’être tip top alles in Ordnung gall » ? Survivance d’un précommunisme latent depuis le Moyen-Age ? Symbole du sang versé par les mercenaires au service des armées de toute l’Europe, avant de devenir les banquiers des belligérants ? Non.
Rouge comme les joues d’un paysan uranais, ou d’un vigneron vaudois. Pour peu que la température dépasse les 3 degrés, chacun d’eux voit le matin dans sa glace un petit rappel de son drapeau national sur sa joue.
La croix ? Je précise que cette croix est faite de 5 carrés (encore) égaux (encore). Sans doute un rappel du carré rouge, pour ne pas oublier, que « tout il toit t’être tip top alles in Ordnung gall ». Et pourquoi 5 carrés ? 5 comme les cinq doigts de la main avec laquelle on vote ? Ou 5 comme le nombre de penalties que l’équipe nationale aurait pu rater si ils avaient pu jouer jusqu’au bout ?
Et elle est blanche la croix. Blanche comme les monts enneigés, où l’or blanc coule à flot, blanche comme les dents du type aux joues rouges qui te vend ton forfait (enfin, on suppose car en principe il sourit pas). Ou blanche comme une conscience qu’on veut croire immaculée ?
Une chose est certaine, mes voisins ne se sont pas posés de questions lorsqu’ils ont planté, comme chaque année, leur 26 petits drapeaux suisses, comme les 26 cantons, dans toute leur pelouse, rasée de près, tip top alles in Ordnung.
Et hier soir dans mon lit, en entendant le fils de l’autre voisin et ses copains skin-heads décapsuler leurs bières au bord de la piscine parentale au son d’un charmant « skin rock » allemand, entonnant de temps à autre l’hymne national, j’étais malgré tout ça et le reste, vachement (ben oui, c’est le seul adverbe qui convienne à ce post, non ?) content d’être ici… où finalement, chacun est libre de faire ce qu’il veut…
«Pourquoi» carré, par Arpenteur, géomètre depuis 1971
(c)photo arpenteur2003