Tvartagueulalarécré
A voir la foule de mamans affairées et d’enfants surexcités dans les papeteries ces jours-ci, il n’y a plus aucun doute, c’est la rentrée.
Et tous ces enfants, en ces premiers jours de l’année, se sont levés avec la petite boule dans le ventre, lourde et chaude, que tout le monde a bien connu. Quelle institutrice aurai-je ? A côté de qui vais-je être placé ? Vais-je rester dans la même classe que Fabrice ? et autres questions fondamentales.
L’odeur d’encaustique des longs couloirs de lino brillant, le plaisir de recevoir de nouveaux livres usés qu’on feuillette en vitesse avant d’essayer de tous les mettre dans son cartable, le crochet qu’on se choisit dans le vestiaire, et l’impression d’être le plus grand rebelle du monde en chiquant pendant la leçon.
Et chacun ensuite d’essayer de s’intégrer dans une tribu, de s’approprier un morceau de cour de récréation, où seul seront admis les camarades agréés. Puis ce sera la saison des billes, du football, du tagada, etc.
La fête de Noël, où chacun plantera une bougie dans l’orange posée sur son pupitre, et amènera des lots pour le loto. On préparera les masques pour carnaval en découpant des yeux dans une assiette en carton, et on continuera, comme toute l’année à se moquer de celui qui a reçu le prénom Wolfgang pour l’initiation à l’allemand. Lors de la sortie à ski, il faudra trouver le juste milieu, pour à la fois ne pas être trop près du moniteur et passer pour un fayot, et ne pas être trop loin, car on a vraiment peur de se perdre dans le brouillard. Puis, à la fin de l’année, la course d’école, les chocs-ovos et les sandwichs dans le papier d’alu au fond du petit sac à dos sentant un peu le renfermé, le canif pour jouer dans la forêt.
Et enfin la dernière semaine, euphorique, lors de laquelle on arrache avec plaisir la doublure des livres qui nous ont accompagné toute l’année, en attendant avec un mélange d’impatience et d’angoisse le grand vide des vacances d’été, et des camarades qui s’éparpillent sur les plages au loin.
Et aujourd’hui, ma rentrée, c’est juste de remarquer ce genre de choses, et d’essayer de n’écraser personne en regardant les affiches de prévention au bord des routes.
Au moins, je n’ai plus besoin d’acheter un rapporteur, ni de me demander pourquoi on appelle les gros classeurs des classeurs fédéraux.
Je m’en fous, j’arrive à les porter d’une main aujourd’hui.
« Flashback » éducatif, par Arpenteur, tableau noir depuis 1971
(c)photo arpenteur2004