Juste un regard

Publié le par Arpenteur

 

C’est un de ces soirs d’automne où le jour finit trop tôt, dévoré par la grisaille.

Il a malgré tout l’esprit léger et joyeux quand il arrive sur ce grand parking, juste à un pont bleu des lieux de son enfance.

Qui ne le serait pas, à la perspective de retrouvailles entre contemporains, une soirée passée à évoquer des souvenirs et à parler d’avenir, tout en partageant la tradition automnale d’une brisolée.

Il ne sait rien d’autre de cette soirée à ce moment-là, lorsqu’il s’approche du groupe d’une dizaine de personnes qui attend déjà.

Il ne sait pas.

Il passe de l’un à l’autre, de salutations en banalités. Et au milieu de ces visages connus et moins connus, un regard. Des yeux verts qui illuminent un sourire mystérieux et magique.

Puis c’est comme s’il savait.

Ce regard qui croise le sien est comme une étincelle qui allume quelque chose au fond de son âme, au fond de sa vie.

Il ne sait pas, ils ne savent pas que cette étincelle qu’ils ont tous deux vu jaillir malgré eux, est la première lueur d’un feu intense qui va les brûler si longtemps.

Le groupe se déplace jusqu’à un restaurant où la brisolée les attend.

Il et Elle ne savent rien de cette soirée qui les emporte.

Le repas se passe, comme ils rêvent leur vie, festive, entre amis, joyeuse.

Ils rient tous deux, leurs regards se croisent parfois, attisant leur curiosité réciproque, plus brûlants que les châtaignes noircies qui réchauffent leurs doigts. A quelques chaises de lui qui rit, insouciant, elle demande à une voisine de table le prénom de celui qu’elle a rencontré il y a moins d’une heure, et découvre avec un étonnement qui titille encore plus son intérêt qu’il porte son prénom préféré.

Ils ne se parlent pas. Seuls leurs regards quelques fois se disent des mots qu’aucun d’entre eux n’ose encore penser.

Et dans la soirée qui s’avance, qui court si vite vers le jour et sa réalité, ils n’ont que de rares occasions de se croiser, de se parler, de se découvrir. Juste assez pour attiser cette envie qui les brûle.

Il et Elle ne savent rien.

Avant de rentrer, il ose se faire inviter dans sa voiture, pour ne pas rentrer à pied. Il se surprend lui-même d’une telle audace.

Peut-être qu’il sait.

Elle accepte. Il l’attend, impatient, apeuré, gêné, presque étourdi, le temps qu’elle dise au revoir à un ami.

Le trajet est court, il se sent confus de s’être imposé pour si peu de route. Et il parle. Il parle pour remplir le vide qu’il doit bientôt laisser dans cette voiture en la quittant. Il parle pour la découvrir. Il la découvre en l’écoutant. Elle parle, elle ne veut pas que son silence ne le fasse partir trop vite.

Et la nuit s’étire sur la place qui les entoure qu’il connaissent si bien. Pourtant ils sont hors du temps et du monde, c’est comme un rêve qui les emporte, jusqu’à ce que la réalité prenne le dessus.

Il se sont connus, ils se sont appris.

- Il faut vraiment que j’y aille, on m’attend, s’entend-elle dire à regret.

- Oui, je sais.

-  Au revoir, et à bientôt sans doute. 

- Qu’est ce que c’est dur de sortir de cette voiture. »

Il ouvre la porte, se lève et sort.

Elle le regarde partir, il se retourne et la voit. Il espère deviner un dernier sourire dans la pénombre.

Il ne voit rien.

Mais il sait.

« Flashback » septennal, par Arpenteur, amoureux depuis Silvia

(c)photo arpenteur2003

Publié dans Flashback

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M
Mes sentiments sont mêlés face à ce billet...Je souris car c'est si joli un moment pareil...Mais mes yeux sont humides...J'aimerais tant vivre un tel moment...
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M
Mais quel nul je suis !!! Comment ai-je pu écrire que "l'arpenteuse ce n'était pas glam" ????<br /> C'est trop beau ! Magique, le coup de foudre, tel que je l'ai vécu, à quelques détails près, mais toute la magie du premier regard, du premier sourire sont là dans ton récit, intacts. C'est tout bô !
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M
Ha, voilà ! Je le savais, je leur avais tous dit : le coup de foudre existe, j'avais donc raison. Et il est ici si joliment décris, merci. Ca sent le vécu tout de même, "il" a de la chance mais j'espère que tout ça ne s'est pas arrêté là et qu'il a, par exemple, réussi à se procurer son numéro ...
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