Petites annonces

Publié le par Arpenteur

Avec Nicolas, nous nous sommes rencontrés le jour de ses 16 ans. J’ai bien senti que je lui avais plu au premier coup d’œil. Quand nous sommes devenus un peu plus intimes, il m’a avoué qu’il avait craqué tout de suite.

Nous étions un peu hésitants au début, mais très vite, c’était comme si nous ne faisions qu’un.

Je sentais bien qu’il était fier d’être avec moi. C’était un mec quoi. Et moi, je trouvais ça plutôt flatteur, il faut bien l’avouer. Au début, il passait son temps à vanter toutes mes qualités à ses amis. Ça me gênait, vraiment. Mais peu à peu j’ai appris à connaître leurs copines à eux aussi, et j’ai vu que c’était toujours pareil. Dès qu’il y avait une nouvelle dans la bande, les garçons ne s’intéressaient qu’à elle quelque temps, mais c’était juste de la curiosité, qui retombait bien vite. Ca me rassurait.

Nicolas, il m’avait surnommée Lola. Je trouvais ça chou.

Souvent nous partions tous ensemble, faire des longues balades, ou bien alors se poser dans un endroit tranquille, près de la rivière, au soleil, et nous parlions pendant des heures. C’était sympa. Nous nous sentions libres comme jamais, et tout était possible. Le monde était devenu beaucoup plus petit depuis notre rencontre, comme si nos horizons s’étaient élargis. Il paraît que c’est ça l’amour. N’avoir d’yeux que pour une personne, et pourtant avoir une perspective beaucoup plus grande sur le monde. Et c’est vrai. Avant Nicolas, j’étais toujours restée un peu dans le même coin, et je ne sortais pas souvent. Je n’avais pas de projets, ni d’envies.

Avec lui, nous sommes allés à des fêtes qui finissaient tard dans la nuit, et je l’ai parfois ramené dans un sale état. L’été dernier, nous sommes partis faire du camping avec des potes, pas très loin, parce que ses parents ne nous faisaient pas encore vraiment confiance, mais nous nous sommes sentis grands, seuls, et libres. Nous avons eu parfois des accrocs c’est sûr. Nous nous sommes fait mal mutuellement. Ce sont les accidents de la vie, ça arrive dans toutes les histoires. Mais avec de l’amour, les bobos s’effaçaient, et nous repartions de plus belle, cheveux au vent, en chantant à tue-tête, vers de nouvelles aventures.

Pendant un période, il a un peu déconné. Une fois nous avons même été poursuivis par les flics, et nous avons fini planqués derrière une haie après les avoir semés. Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie je crois, mais Nicolas, lui, il riait. J’adore l’entendre rire.

C’est vrai que ce petit casse, c’était pour moi. Il faisait tout pour que je sois toujours la plus belle. Je ne voulais pas le blesser, mais j’étais mal à l’aise de porter ce qu’il ramenait. C’est vrai que c’était flatteur tous ces petits cadeaux. Pour que j’aie encore plus la classe disait-il. Mais d’un autre côté je sentais que c’était un peu pour faire le malin auprès des copains. Et des filles aussi.  

D’ailleurs il a même parfois eu le culot de draguer ouvertement devant moi. Je crois que c’est ce que j’aimais le moins. Qu’il se sente aussi libre, finalement. Mais à la fin de la soirée, c’est toujours ensemble qu’on rentrait, et j’en étais très fière.

Peu après ses 18 ans, je l’ai accompagné quand il est allé passer son permis de conduire. Pour tout avouer, j’avais un peu peur qu’il le réussisse, mais je ne le montrais pas. Je ne sais pas pourquoi, j’avais l’impression que notre vie en serait changée, que nous deviendrions grands. Nous étions si bien comme ça. Pourquoi vouloir grandir ?

Et puis tout c’est passé très vite. Trop vite.

Il y a trois semaines environ, j’ai vu quelque chose dans les yeux de Nicolas. Pourtant j’étais avec lui. C’est dur de voir l’envie d’une autre naître dans le regard de celui qu’on aime. Je l’ai senti tout de suite.

Maintenant, c’est un peu comme s’il ne voulait plus de moi en fait. Il s’occupe encore de moi, c’est vrai, mais je ne suis pas dupe. Il a changé. Je sens un manque d’intérêt. Ça vient peut-être de moi, je ne sais pas. J’ai l’impression désagréable qu’il veut juste sauver les apparences. Un jour je l’ai même surpris au téléphone avec quelqu’un. Il parlait de moi au passé, comme si j’était déjà sortie de sa vie. Il savait que je l’entendais, mais ne faisait même pas de cas. Ca fait mal. 

Et maintenant j’en suis sûre. Dans quelques jours il va me prendre à part. Ce sera notre dernier tête-à-tête…

Et le pire, c’est qu’il ne sera même pas ému plus que ça, quand il va m’installer une pancarte autour du cou : « A vendre Vespa. Excellente occasion, prix à discuter ».

Nouvelle mauvaise » pétaradante, par Arpenteur, piéton depuis 1971

(c)photo arpenteur2006

Publié dans Nouvelles mauvaises

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Tres jolie nouvelle !
Répondre
S
Et ça tient encore parfaitement la route à la relecture, une fois qu'on sait.<br /> Joli !!
Répondre
L
je me demande quand même si il existe (ou existerait) un jour un livre de tes nouvelles... parce que c'est vraiment agréable à lire.
Répondre
A
Byby> j'en étais sûr aussi... mais pas complètement non plus. Très beau comm...Tous les autres> merci beaucoup pour tous ces compliments. Je les mettrais dans les sacoches de ma vespa si j'en avais une... Je suis scotché de vous avoir scotché, vraiment...
Répondre
B
Trop prévisible. On devine tout à la première ligne.Toi aussi, à la première ligne de mon comm, t'as vu que je disais des conneries.Trop prévisible jte dis.(excellente nouvelle donc)
Répondre