Quelle plaie...
En cette période de frénétique surconsom-
mation pré-
noëlique, il me semble important de revenir à l’essentiel : l’amitié et le pardon pour pouvoir fêter Noël l’âme en paix. Mais bon, il arrive que ce soit trop dur, et qu’on aie plutôt envie que s’abattent sur certains toutes les plaies d’Egypte, de Grèce (ah non, pas Nikos c’est trop cruel ça) ou d’ailleurs, voire de nouvelles plaies super chiantes.
N’hésitez pas par exemple à menacer les importuns d’ordonner à votre marabout personnel de les transformer en playmobils. Croyez-moi, ce genre d’intimidation devrait rendre n’importe qui un peu plus conciliant et aimable à votre égard.
Ce qui vous aidera à lui pardonner d’être un vrai con, et à faire de cette planète un monde de paix, avec des bougies en forme de rennes, des airs de violon, et des enfants qui cessent de mourir sous des arbres secs pour se mettre à chanter sous des sapins lumineux arrachés à la forêt qui finiront par étouffer sous une avalanche de déchets post-déballage.
Personne ne voudrait être transformé en playmobil. Parce que le playmobil, des emmerdements il en a à la pelle, que dis-je, au tracto-pelle.
Tout d’abord, sa survie elle-même est un miracle de tous les instants.
Parce que le playmobil ne peut pas se nourrir, ni boire. Essayez de manger proprement cinq fruits et légumes par jour sans plier les coudes, ou de boire une bière au bar du coin, voire au coin du bar. Totalement impossible sans assistance. Ne pas boire permet toutefois d’éviter de devoir appeler à l’aide pour ouvrir son pantalon pour aller aux toilettes. Ce qui est quelque part dommage, puisque le playmobil a une excuse en or jaune pour arroser les bords de la cuvette par accident.
Et si le pot de confiture aux fruits de mer de Tata Marie-Cindy est sur l’étagère du haut, pas question de se mettre sur la pointe des pieds pour l’attraper les bras tendus. L’absence de chevilles et d’orteils se fait alors cruellement sentir.
Le playmobil a les bras les plus inutiles qui soient, et chez lui, l’adage le plus populaire est : « des bras ? eh non, pas d’chocolat quand même ». Le crabe le plus maladroit du monde est sans doute plus habile de ses pinces qu’un playmobil bricoleur. Par contre puisqu’il ne mange rien, cela devient beaucoup moins grave pour lui de ne pas pouvoir se brosser les dents.
Le playmobil ne peut pas non plus se frotter les yeux, mettre ou enlever ses lunettes, pire, ses lentilles de contact. Impossible de se gratter les oreilles, ni les couilles, ni encore de coiffer sa petite mèche crénelée d’un air dégagé, lorsqu’elle lui tombe sur les yeux. Sur ce point là, il a d’ailleurs l’avantage de ne pas perdre trop de temps chez le coiffeur, puisqu’il peut être intégralement scalpé et recoiffé en quelques instants, moyennant l’assistance de quelques potes.
Il ne peut pas lacer ses chaussures, ni mettre des tongs, et par conséquent, il se balade toujours pieds nus, ce qui dans certains milieux est très mal vu. De plus, à défaut de pouvoir nouer sa cravate, ses possibilités professionnelles sont aussi très réduites. Exclu de rêver par exemple d’une carrière de vendeur en assurances, ou de politicien de droite.
Finalement, pour presque tout, notre ami le playmobil a besoin du coup de main, tendue, d’un camarade. Le problème c’est qu’il se trouve souvent seul, étant donné les difficultés qu’il rencontre pour composer le numéro de ses amis sur son portable, et encore pire, pour le porter à son oreille, s’il n’a pas un kit main libre.
La santé du playmobil est extrêmement fragile, puisqu’il ne peut pas pratiquer une activité physique régulière pour compenser le fait qu’il lui est impossible de manger cinq fruits ou légumes par jour. Comment courir, jouer au foot ou au tennis, voire faire du vélo, sans genoux, lorsque les deux jambes ne font qu’une ?
Inutile aussi pour lui de sortir draguer en boîte puisqu’il ne peut pas mettre ses lunettes de soleil sur son crâne, qu’il n’a pas de genoux, et que les particularités de ses bras le rendent totalement incapable de danser la tecktonik, la macarena, ou de s’éclater sur YMCA à la Salle de Fêtes de Farvagny-Le-Petit. Admettons qu’il arrive à emballer une jolie playmobilette qui déteste la danse, il ne tarderait pas à se faire jeter, à force d’être en retard, puisqu’il lui est impossible de regarder sa montre.
De toute façon, Madame Playmobil n’a pas de seins, pas de fesses, ne peut pas écarter les jambes, et ne peut que faire non de la tête. Donc aucune chance de faire un jour des galipettes. Et pas question non plus pour le playmobil, mâle ou femelle d’ailleurs, de se consoler en essayant de se satisfaire tout seul…
Ne pas manger, ne pas boire, ne pas faire de sport, ne pas avoir de vie sexuelle, et ne pas pouvoir faire des pompes… Quelle plaie mobile…
Et le pire pour le playmobil c’est que jamais personne ne l’a serré dans ses bras, et je suis sûr que s’il pouvait prendre rendez-vous, il suivrait des séances bihebdomadaires chez un psy, qui lui donnerait tous les cachets qu’il est incapable d’avaler seul. Pour tenir le coup.
Non, y a pas à dire, ça doit être dur dur d’être un playmobil.
« Virgule » raide comme la justice de Berne, par arpenteur, assouplissant à la lavande depuis 1971
(c)photo arpenteuse2002 - îles cayman