Salle de bain à la tomate-cerise
Aujourd’hui Guillemette a le cœur qui bat très fort sous son petit top H&M. C’est son grand jour, le jour parmi tous les autres : elle va passer à la télé, enfin, depuis le temps qu’elle en rêve.
L’équipe de M6 vient de s’installer dans son petit pavillon. Guillemette est un peu déçue car Valérie Damidot n’est pas là, et Guillemette, elle l’aime bien Valérie Damidot parce qu’elle fait toujours des plaisanteries super drôles.
Mais Valérie Damidot ne participe pas à « Un dîner presque parfait », sauf peut-être un jour comme convive.
Guillemette est toute guillerette et elle part faire ses courses avec trois caméras qui la suivent, et autant de preneurs de son. Elle parle toute seule parce qu’elle croit que les téléspectateurs sont avec elle, mais surtout parce que le silence ça lui fait vraiment trop peur.
Elle va chez son boulanger, son boucher, son maraicher, son esthéticienne, et son pédicure, qui tous semblent ne pas reconnaître cette dame suivie de trois caméras, qui leur dit de trop joviaux « Salut, comment tu vas aujourd’hui ». Le commerçant, face à trois caméras, n’a pas d’autre choix que de prétendre connaître cette dame étrange, et lui répond avec une jovialité toute provinciale. (Ca se saurait si tous les gens qui regardent M6 ne faisaient leurs course que dans les petits commerces de quartier, et non les grandes enseignes, vous croyez pas ?)
De retour chez elle, Guillemette continue de parler toute seule. Entre les cameramen, les preneurs de son, les éclairagistes, et les journalistes, il y a rarement eu autant de monde dans sa cuisine. Pourtant, elle ne s’est jamais sentie si seule.
Elle raconte tout ce qu’elle fait, pour le cas où le téléspectateur un peu con ne comprendrait pas que là elle « épluche les pomme de terre, et pour que ce soit plus facile, j’utilise une technique que ma grand-mère m’a appris, mais je sais pas si je peux vous dire, c’est secret ». Et elle se dit que plus elle parle, moins la voix off n’aura de temps pour placer des petites piques moqueuses au montage.
Puis Guillemette se dépêche de disposer trois cailloux blancs sur sa table en verre en se disant à elle-même « j’aime beaucoup les ambiances zen, et ces pierres c’est comme un retour au sources, à la terre, cette terre qui nous offre tout ce que nous allons pouvoir déguster ce soir, mais faut vraiment que je me bouge, je dois encore aller me changer, vite, vite, vite, voilà le verre à vin… làààà… ok, c’est bon, je file ».
Et voilà que ça sonne déjà. Jean-Franck est en avance ce qu’il ne manque pas de souligner lui-même. Il tend maladroitement un bouquet de fleurs et de mauvais goût à Guillemette qui s’extasie devant tant de beauté. Puis c’est Brunhilde qui arrive avec une petite toile qu’elle a fait elle-même, car « oui, en fait je barbouille un peu à mes heures perdues », et les yeux de Guillemette sont perdus, cherchant à trouver où elle va bien pouvoir fourrer ce truc.
A peine le temps de s’approcher du salon, que ca sonne à nouveau. « Mais qui c’est-y que ça peut bien être » s’interroge Guillemette, tout en s’approchant de sa porte d’entrée, jouant la surprise aussi bien que Clovis Cornillac,.
La porte s’ouvre sur Mbé qui représente les minorités visibles, et Marie-Jennifer, qui est arrivée les mains vides parce que je ne sais plus quoi lui faire apporter.
Guillemette leur offre l’apéro, avec un petit blanc dont il lui diront des nouvelles, précise-t-elle comme il se doit.
Mais le temps passe vite, et la production rappelle déjà Jean-Franck que sa vessie est très petite et qu’il ferait bien se de rendre aux commodités. Le brave Jean-Franck obéit (normal, on est à la télé, et à la télé on obéit – d’ailleurs je renvoie ceux qui ne l’ont pas vu à cette expérience diffusée par France2 il y a quelques semaines).
Le commodités sont si encombrées entre le cameraman, le journaliste, et le preneur de son, que l’on ne voit plus le petit pot pourri que Guillemette a disposé dans un magnifique petit plat en terre cuite ramené de St-Rémi-de-Provence.
Jean-Franck, lui, est si mal à l’aise qu’il décide de ne pas se soulager tout de suite. Pour passer le temps en espérant faire sortir les importuns, il parle de l’entrée.
« Je trouve que l’entrée est un peu sombre. Il faudrait la repeindre avec une couleur plus lumineuse, et plus chaude, une couleur qui dirait Bienvenue chez nous les amis, t’es d’accord petit garnement ? »
Le producteur, debout dans la baignoire, s’arrache les cheveux : « Jean-Franck, putain, tu te trompes d’émission ! »
Dans la salle à manger, on commente, on parle la bouche pleine, et on trouve que c’est dommage que les poireaux ne viennent pas directement du potager de Guillemette, alors on peut franchement pas lui mettre plus qu’un 5.49 pour sa cuisine.
De retour dans son taxi, Brunhilde n’a pas trop aimé l’animation est ne met qu’un 3.14, parce que ce n’est pas parce que Guillemette est esthéticienne qu’elle était, elle aussi, obligée de faire un blind-test sur Céline Dion ou Lara Fabian ou Mariah Carey ou Hélène Ségara*.
Mais Guillemette s’en fout, elle est heureuse, elle a eu son petit moment de gloire.
Et sinon, elle aurait ouvert un blog… sur lequel elle aurait expliqué comment préparer une verrine de crevettes et concombre au parfum d’agrume, tout en portant un petit top marin de chez Zara trop croquignole soldé en plus trop de chance, pour se faire un plateau repas devant le troisième épisode événement de la Nouvelle star.
« Virgule » presque parfaite, par arpenteur, gastronome depuis 1971
©photo arpenteur2008 – Train Belgrade-Istanbul
*quelque chose me dit que ce billet va faire un malheur chez la coiffeuse de 33 ans.