Mignonne allons voir si j'arrose

Publié le par Arpenteur

Samedi, c’est « jardi » dans les quartiers de villas. 

Je savais pas moi ça avant d’y venir. Bon c’est vrai, je m’en doutais un peu, en voyant toutes ces maisons qui se veulent différentes, mais qui finalement se ressemblent toutes, et où la seule originalité et personnalité qui s’en dégage tient dans le paillasson choisi par Madame… 

Mais de là à imaginer que l’entretien amoureux du gazon suit des règles strictes, et une discipline quasi monastique… 

Et pourtant. 

Les soirs de semaine, on arrose longuement le gazon. Quasiment tous les soirs, oui, même si l’orage menace. Si, si, ils le font tous. Comme si la planète n’était qu’un désert avant qu’on invente la pomme d’arrosoir (c’était un jeudi, juste après la découverte de la poire à lavement). Ou alors c’était écrit un dimanche dans Femina (oui, dimanche, on peut lire Femina, parce qu’on a bien travaillé le samedi). 

Car le samedi, il faut tondre. 

Ben oui, à force d’arroser à ce point, le gazon, il devient plus puissant qu’un cycliste américain du Tour de France. 

Et alors l’un après l’autre, chacun allume sa tondeuse. Je suis sûr que d’ici quelques années, je saurais reconnaître les voisins rien qu’au bruit de leur 2 temps. Ils pourraient au moins le faire tous au même moment. Mais non. Dès que l’un a fini, ça repart de plus belle de l’autre côté. A croire que chacun attend que l’autre ait terminé pour commencer, histoire de prouver à la ronde que le bruit de son rasoir à roulettes est mieux que celui du voisin. La tondeuse c’est un peu le 4x4 du samedi… (eh oui, on dirait que même une machine faite pour couper tout ce qui dépasse peut être un substitut phallique). 

Et pendant ce temps-là, Madame soigne les géraniums qui dégoulinent de fausses fontaines taillées dans des troncs. L’avantage, vu comme je suis placé, c’est que j’ai l’image avec le son. Alors à défaut de profiter du soleil, du calme, de la nature et du paysage, je peux les observer pendant que, traînés par leur tondeuse, ils arpentent leur territoire cerné de grillage et de tuyas... perplexes, tout en me regardant en coin, alangui devant notre maison bizarre et sa porte verte. 

Parce que moi je suis un fou. Un vrai malade. Un dingue de la pire espèce. Un rebelle absolu au formatage de la société d’hyper-consommation-jardinistique. Un dément. Un psychopathe. 

Moi je n’arrose pas la pelouse, et je la tonds, le soir en semaine, et pas toutes les semaines en plus. 

Un vrai malade je vous dis… 

 « Humeur » végétative, par Arpenteur, agriculteur depuis 1971

(c)photo arpenteur2006

Publié dans Humeur

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R
Tu tonds ton gazon le soir en semaine et pas le samedi ? Quelle originalité, quelle force de résistance ! Tu es un grand révolutionnaire, Arpenteur. Nous t'admirons tous et espérons que tu continueras à lutter ! Quel courage, je n'en reviens pas...<br />  
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J
Moi non plus, pas de jardin. Même pas de terrasse. Faut dire que dans Paris, ce serait pas évident. Pour le jardin. Pour la terrasse aussi d'ailleurs, parce qu'ici ça coûte cher. Il y a des immeubles avec jardin, dont le gardien s'occupe le samedi matin avec empressement, pour faire croire qu'il s'exténue à la tâche et n'a pas eu le temps durant le reste de la semaine. Le bruit de sa tondeuse comme preuve de son existence et de sa nécessité...Enfin, il y a quand même des gens qui en ont, des terrasses. Et Madame au matin arrose généreusement ses géraniums, de telle sorte que le passant profite d'une douche aux engrais. Parce qu'il faut toujours mettre dix fois plus d'eau que nécessaire.Comme Madame n'est pas seule dans le quartier à avoir des géraniums au balcon (ceux qui n'ont pas de balcon auront le rebord de fenêtre, mais ne chipotons pas), il faut pratiquement sortir avec parapluie, même par grand soleil.Mais Madame n'arrose pas forcément le matin. Pas forcément à l'heure où l'employé pressé et grommelant s'en va prendre le métro. Elle peut aussi arroser le soir. Pile à l'heure de la sortie des bureaux. Forcément.
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S
Moi j'ai la solution : ni moi ni aucun de mes voisins n'a de jardin, de pelouse ou de potager. Ainsi, ça coupe court à toute discussion.
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J
Non l'arpenteur, t'es pas tout seul, mais arrête de pleurer, arrêtre de te répandre parce que des pauvres crétins arrosent leurs jardins. Non l'arpenteur, t'es pas tout seul... Moi aussi, je fais partie de la ligue qui n'arrosent pas leur jardinet tout les soirs. Et je dois dire que je me sens bien seul parfois au sein de notre PPE. Mais bon, il y a tellement de bons arguments pour ne pas le faire : la flemme, l'écologie, la flemme, marquer sa différence, la flemme.... Fondons l'ACNAPPCS : l'association de ceux qui n'arrosent pas leur pelouse chaque soir !
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